LES QUATRE PERIODES DE LA PEINTURE DE CHARLES ROLLIER

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Première période: 1939 - 1946

C'est celle, figurative, de l'exposition chez Moos, à Genève. Elle est encore marquée par les bleus-verts de la touche cézannienne. A la même époque, Rollier faisait, à la mine de plomb, des dessins construits d'une grande force d'expression. Sa couleur va alors des tons sombres d'un portrait de femme très inscrit, aux paysages alvéolés (Le Portrait noir, 1940. Sous-bois à Mirmande, 1941. Femme malade, 1945. Les Promenades à Carouge, 1945. Nu entre une table et une cheminée, 1945).

Deuxième période : 1946 - 1954

Elle se résume dans l'exposition de Paris et va jusqu'à l'exposition de la Galerie Beno, à Zurich. Le peintre y montre sa faculté de poser, l'une à côté de l'autre, des touches bleutées, glissantes, subjectives, des plans évocateurs d'espace, des lumières brisées en rayons mouvants, points de départ et catalyseurs de la sensation. L'artiste cherche à donner une structure graphique, puis une forme plastique à l'idée qu'il se fait des êtres et des choses. Dans un langage à peine allusif à la figuration, il voudrait saisir par l'esprit et incarner dans la matière de la peinture les suggestions qu'il éprouve. La couleur des huiles reste plutôt mince comme de l'aquarelle, dans une lumière azurée, tendre, sensible. Le dessin se cherche et, dans une transposition de plus en plus éloignée du descriptif, s'ouvre aux perspectives multiples (Contre-jour à la cuisine, 1947. Nu à contre-jour, 1948).

Troisième période : 1955 – 1964

C’est celle qui se situe autour de l’exposition du Naviglio, à Milan. L’art de Rollier s’y résume en une sorte de nid sacré que protègent épines et broussailles. Ce qui pour le peintre est la « sacrale féminité » se recouvre encore d’un tissu mystérieux. Une amplification d’écriture pousse ici ses ramifications, tantôt en treillis ramassés voisinant la perception du plan pictural, tantôt en treillis très ouverts où les sentiments du signe (geste du bras, acte de biffer) prédominent. Il y a là une peinture « piège à regards » où les lignes se brisent et se coupent autour du cercle obsédant de la demeure féminine.

Au cours d’une promenade à Dully (canton de Vaud) avec sa femme, Rollier avait peint dans les bois. Au retour, il notait ceci : « Avoir senti ce « féminin », non comme péché, tel qu’il est pensé en Occident, mais au contraire comme « route vers le sacré » ; ceci est évidemment en interférence avec les philosophie orientales. Cela a pris naissance chez moi comme une intuition spontanée devant la nature. »
« Je suis convaincu, m’écrivait-il alors, qu’il y a des découvertes à faire dans le domaine de la transposition colorée de l’espace, et que tout le problème espace-couleur, lumière-couleur est à reprendre. Le terrain nouveau que l’on risque de découvrir est un enjeu suffisant pour tenter l’effort de la bataille. »

Durant cette phase de son travail, le peintre a des tons roux, presque monochromes, qui transmettent un mystérieux sentiment de boisé. L’art de Rollier se résume alors en un dessin broussailleux, griffé par places et lacéré. Puis, moins circulaire, la composition prend un rythme elliptique. La couleur devient plus sanguine (Foyer roux, 1956. Prajna, 1957. Pluie, 1960. Les très saintes émanations, 1962. Lithographie sur fond rouge, 1964. Affiche pour « L’Art suisse au XXe siècle », Exposition nationale, Lausanne, 1964).

Quatrième et dernière période : 1965 - mai 1968

Rollier lui donnait le nom de « dévoilement de Mâyâ ». C’est la phase majeure interrompue par la mort subite de l’artiste. Visuellement, le peintre y a tracé un hymne à la glorification de la femme. Nos yeux sont pris dans les rondeurs extatiques et contorsionnées de son corps parfois renversé dans un tournoiement sans fin, qui suggère la rotation des sphères célestes. C’est la plus belle palette de Rollier, fine, sonore, fraîche. Sur une préparation préalable qui recouvre la toile, la couleur est donnée en houles de bleus délicats, de blondeurs rosées et orangées, parfois dans une lumière post-impressionniste. Rollier trouve le vert et rose « trop sucré. C’est dangereux », écrit-il dans ses notes. Mais, bientôt, il rejoint l’harmonie bleue et mordorée, voisine de la peinture indienne. Le dessin supérieurement rythmé, dansant en volutes sphériques, déroule un ondoiements de formes qui entraînent notre vision dans un tourbillon d’évocations féminines (Erotisme bleu, 1967. Le Phénix, 1967. Les femmes arborescentes, 1968. Voile de Mâyâ, 1968).

Texte tiré du livre de Pierre Courthion « Ch. Rollier », éd. Ides et Calendes, Neuchâtel, 1969, p. 14.

 
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